Gauche radicale et transformation sociale en Europe

samedi 25 septembre 2010
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Où en est-on aujourd’hui des « perspectives stratégiques de la Gauche radicale en Europe » ? C’est le sujet de l’étude lancée cette année par le réseau Transform ! Ce réseau regroupe des instituts de recherche et des fondations liés d’une façon ou d’une autre aux partis dont les représentants au Parlement européen siègent au sein du groupe de la Gauche unitaire européenne/Gauche verte nordique (GUE/NGL), c’est-à-dire, pour la France, les députés élus au titre du Front de gauche[Ce groupe représente donc au sein du Parlement européen ce que nous appelons ici la gauche de la gauche. Pour être tout à fait précis, les deux élus du PCF sont membres à part entière du groupe, les trois élus du Parti communiste réunionnais, du Parti de gauche (Jean-Luc Mélenchon) et « de la société civile » étant membres associés. À l’époque où l’ancienne Ligue communiste révolutionnaire et Lutte ouvrière avaient des députés européens (1999-2004), ils siégeaient également dans ce groupe, comme membres associés.]. Il s’agit donc d’une composante de la gauche au niveau européen, ou de la gauche de gauche, selon le registre de vocabulaire utilisé. Dans la phase actuelle, cette étude, qui comporte diverses étapes, s’attache à cerner ce que les membres du réseau entendent par le terme très couramment utilisé aujourd’hui de transformation (sociale). Dans un questionnaire dont les réponses ont été synthétisées au cours d’un récent séminaire à Florence (28-29 mai 2010), la transformation est définie comme ce qui fait « le lien entre les politiques pragmatiques du quotidien et les buts à long terme de la Gauche (de la gauche) ». Faire ce lien exige un « effort théorique » car « nous manquons d’expériences positives de transformations, au moins en Europe ». Et, question subsidiaire et très probablement aussi révélatrice des interrogations des membres du réseau sur les orientations de leurs propres organisations nationales, « la théorie est-elle toujours considérée comme nécessaire à la stratégie politique ? »

Sur ce plan, l’usage de la notion de transformation (sociale) a fait l’objet de débats, notamment au sein du Parti communiste en France. À cette occasion, l’origine historique de la notion a été rappelée[Voir Jean Lojkine, « Quelle transformation sociale proposer  ? », L’Humanité, 27 octobre 2005.]. Elle est revendiquée par Édouard Bernstein, le théoricien du tournant « réformiste » de la social-démocratie allemande à la fin du xixe siècle. Pour lui, elle voulait dire « changement des fondements de l’ordre social ». Ce qui laissait ouvert le débat sur la voie à emprunter pour y parvenir. Bernstein préférait la voie parlementaire, donc pacifique et « gradualiste ». Il rejetait par conséquent la voie de la rupture révolutionnaire, identifiée par lui à l’insurrection et à la violence illégale. On trouve donc dès cette époque les ingrédients d’un débat qui reste actuel aujourd’hui. On a d’ailleurs tenté au cours de l’histoire de dépasser cette opposition de différentes manières. L’une d’entre elles est celle de Jaurès, avec « l’évolution révolutionnaire », très souvent rappelée elle aussi dans les débats contemporains, notamment en France. Le contenu de la transformation est un enjeu important dans les débats au sein de la gauche. Un article récemment publié par le site Basta !, dans l’euphorie des élections régionales de mars 2010, est ainsi intitulé : « Les régions, futurs laboratoires de la transformation sociale ? »[Julien Lusson, Agnès Rousseaux, Ivan du Roy, Eros Sana (co-animateurs de Basta !), « Les régions, futurs laboratoires de la transformation sociale », Basta ! (www.bastamag.net/article956.html), 24 mars 2010.]. Au delà d’une analyse que l’on peut partager sur le caractère « poly-fracturé » de la société française et sur une sorte d’autisme des « représentants politiques [de gauche] » par rapport à la gravité des fractures sociales, il n’en reste pas moins que l’exigence à l’égard des élus est faible. Il faudrait « recréer du pouvoir d’agir » et, pour cela, « il faudrait que les élus – et leurs administrations – soient à l’écoute et acceptent de partager une partie de leur pouvoir pour donner une large place à la parole et à l’action des citoyens ». Sans minimiser les apports potentiels de la « démocratie délibérative » ainsi prônée et du souci d’inventer d’autres façons de travailler, produire, consommer, se déplacer, échanger, on voit mal comment cela pourrait produire des alternatives dans le cadre très contraint de l’État et de l’Europe néolibéraux !

Il nous a semblé intéressant de donner ici un aperçu, forcément partiel, des réponses données par les membres de Transform ! à deux séries de questions : le vocabulaire utilisé, qui donne en réalité un aperçu de la façon dont la gauche de gauche est structurée, et le chemin proposé pour la transformation. Il faut cependant être conscient de plusieurs biais possibles. Il ne s’agit pas en effet de textes validés par les organisations politiques constituées. Certes, les membres du réseau ont pour la plupart des liens avec les partis politiques à gauche de la social-démocratie, à l’image d’Espaces Marx en France, dont les dirigeants sont aussi membres de la direction du Parti communiste, celui-ci en finançant partiellement les activités. Dans des pays comme la Finlande[Julien Lusson, Agnès Rousseaux, Ivan du Roy, Eros Sana (co-animateurs de Basta !), « Les régions, futurs laboratoires de la transformation sociale », Basta ! (www.bastamag.net/article956.html), 24 mars 2010.] ou l’Autriche, les partis politiques sont même en tant que tels membres des instituts ou autres structures membres de Transform !. Mais on ne peut exclure le fait, avéré en France par exemple, que ces structures, à la périphérie du champ politique proprement dit, exercent une certaine attraction sur les éléments contestataires au sein des partis eux-mêmes, quand elles ne servent pas de « refuge » à diverses dissidences, plus ou moins fortement affirmées. Ce qui fait que leur contribution peut parfois relever autant de la critique interne aux formations politiques de la gauche de la gauche que d’une réflexion distanciée sur les thèmes proposés. Enfin, une lecture même rapide des textes produits par le réseau Transform ! montre une forte prégnance de l’influence des idées et des concepts développés par Antonio Gramsci. Le questionnaire lui-même et les réponses multiplient donc les références au bloc social, à l’hégémonie culturelle, etc.[Walter Baier, ancien président du Parti communiste autrichien et coordinateur du réseau Transform ! en Europe (avec Élisabeth Gauthier, d’Espaces Marx, et Ruurik Holm, du Forum de gauche finlandais) écrit ainsi, avec une prudence idéologiquement très œcuménique : « Utiliser la notion d’​“hégémonie”  au sens de Gramsci implique d’interpréter l’histoire, avec Marx, comme étant “l’histoire de la lutte des classes”. Mais, puisque “c’est sur le terrain idéologique que les hommes prennent conscience du conflit entre contenu et forme du monde de la production”, cette hégémonie ne s’acquiert qu’en sortant “du périmètre de la catégorisation économique” et en s’affirmant dans le domaine de l’idéologie et de la culture. » (Walter Baier, « Nous vivons une crise de transition, une crise du mode de vie capitaliste », L’Humanité, 19 juin 2010).]

Ces précautions prises, les paragraphes qui suivent s’appuient sur les textes rédigés à partir de la situation par Transform ! Italie, qui réunit essentiellement des membres de Rifondazione Comunista, Transform ! Autriche, qui s’appuie sur le Parti communiste autrichien, le Forum de gauche de Finlande, qui réunit l’Alliance de gauche et des intellectuels et l’Institut Nikos Poulantzas de Grèce, très lié à Synapismos et, dans le contexte grec, très critique par rapport au Parti communiste KKE, qui reste cependant numériquement la force principale à gauche de la gauche. Le cas de l’Allemagne ne sera pas évoqué ici, l’article de Peter Wahl dans ce même numéro donnant une analyse très complète de la situation et des débats au sein de Die Linke, qui contrairement à ce qui se passe en France, regroupe l’ensemble des courants de la gauche de la gauche – des anciens du parti communiste allemand (DKP) aux militants citoyens de la WASG, en passant par les communistes de l’ancienne RDA, qui ont la particularité d’être rompus à l’exercice du pouvoir avant mais aussi après 1989. Ces quatre pays recouvrent une grande diversité de situations. En Grèce et en Finlande, les partis associés à Transform ! ont une représentation parlementaire au niveau national comme au niveau européen. Ce n’est pas le cas en Autriche[Aux législatives de 2008, le Parti communiste autrichien a obtenu 0,8% des voix (1,3% en Styrie, où il a par ailleurs des élus municipaux, notamment dans la capitale de la région, Graz). Au cours de ces mêmes élections, l’extrême-droite a bondi de 15 à 29% (avec deux partis), talonnant le Parti socialiste (SPÖ, 29,7%) et dépassant le Parti conservateur (25%).], où la poussée de l’extrême-droite au cours de ces dernières années a créé une situation très particulière. Et ce n’est plus le cas en Italie après les dernières élections nationales et européennes et la débâcle de Rifondazione comunista. Ces différences peuvent expliquer la tonalité de certaines réponses. Le questionnaire de Transform ! fait référence d’emblée, comme on l’a dit, au lien avec les « politiques pragmatiques du quotidien ». Ce qui, sans le dire, laisse entendre que la vision « gradualiste », pour reprendre une expression déjà citée, fait implicitement l’accord entre les rédacteurs du questionnaire. Il ne saurait donc s’agir ici que d’une des lectures possibles de la réalité de la gauche de la gauche en Europe, à travers le prisme singulier du réseau Transform !.

Questions de vocabulaire, questions d’identité...

Quels sont les termes qui sont utilisés pour désigner les groupes à gauche de la social-démocratie ? Le questionnaire suggère quelques réponses : « gauche radicale », « socialistes de gauche », « gauche de transformation », « gauche de la gauche », tout en utilisant systématiquement celui de « gauche radicale »[La réponse « française » (Espaces Marx, Parti de gauche, etc.) précise qu’on ne parle guère de gauche radicale, le PCF préférant dire « courant à gauche du Parti socialiste » et le parti de gauche « L’autre gauche ». Elle rappelle aussi la paternité historique de la tribune du Monde « Pour une gauche de gauche » (P. Bourdieu et alii, avril 1998).].

En Autriche, on parle de « Gauche radicale » ou simplement de « Gauche » pour désigner, à gauche de la social-démocratie, « les secteurs de la société qui travaillent à un changement de système ». Plus explicitement, cela comprend « le Parti communiste, le mouvement féministe, la gauche autonome, et aussi quelques sectes d’extrême gauche, surtout trotskistes, dans le secteur de l’immigration, et aussi maoïstes et staliniennes ».

Pour l’Institut Nikos Poulantzas, « décrire la gauche radicale grecque n’est pas chose aisée ». Reflet de l’embarras devant les récents événements dans le pays ? L’Institut considère en tout cas qu’il s’agit « probablement de la situation la plus compliquée sur la scène politique en Europe, ce qui inclut les pays qui ont émergé il y a quelque vingt ans du soi-disant socialisme existant ». L’explication serait dans l’existence d’une tendance à multiplier les factions entre et au sein même des organisations et partis qui représentent la gauche radicale en Grèce. Plus concrètement, Synapismos et l’alliance Syriza constituent « l’expression la plus représentative de la gauche radicale grecque ». Mais il existe aussi une « alliance », Antarsia, beaucoup plus petite et qui regroupe des groupes extra-parlementaires et des organisations, ainsi que le parti communiste « anciennement pro-soviétique », le KKE.

Pour Ruurik Holm et Laura Tuominen, animateurs du Forum de gauche, qui ont rédigé le texte sur la Finlande, il n’existe qu’une force organisée à la gauche de la social-démocratie[Traditionnellement, le pays compte deux partis « gouvernementaux », le centre et les sociaux-démocrates. Aux élections de 2007, c’est toutefois un parti conservateur qui a créé la surprise. L’Alliance de gauche et les Verts réunissent chacun autour de 8% des voix.], l’Alliance de gauche. Mais elle n’a pas « nécessairement une position très radicale ». Beaucoup de membres de l’Alliance trouvent le terme gauche radicale inadapté. Il n’est d’ailleurs guère utilisé dans le débat public. « L’Alliance de gauche n’est ni un parti socialiste, ni un parti communiste mais appartient au “courant d’idées socialiste”. Ce qui veut dire que si le mot socialisme a un sens, cela pourrait être celui de mot-clé identitaire pour les membres de l’Alliance de gauche. Ce qui ne préjuge pas de la proportion de ces membres qui, individuellement, se reconnaîtraient dans ce mot, quelle que soit la signification retenue. Qui plus est, le socialisme comme recherche de l’égalité comme le définit le programme du parti peut très bien être interprété comme une économie capitaliste avec quelques contraintes relatives à la façon acceptable de faire du profit, c’est-à-dire un “capitalisme à visage humain” ».

En Italie, pour Alfonso Gianni[Journaliste et ancien député italien de Rifondazione Comunista. A quitté ce parti après son dernier congrès pour fonder Sinistra Ecologia Libertà.] qui signe la contribution de Transform ! Italie, « La gauche radicale, ce sont les forces qui se situent à gauche du Parti démocrate. Cela ne comprend pas l’Italie des valeurs (Italia dei Valori), le parti de Antonio Di Pietro, qui est plutôt du “centre extrême” »[Ce « diagnostic » est confirmé par le fait que les 7 élus de ce parti aux dernières élections européennes (8,08% des voix) se sont inscrits au groupe libéral (Alliance des démocrates et des libéraux pour l’Europe-ALDE) du Parlement européen (contrairement aux deux élus de la législature précédente, dont Antonio Di Pietro, l’ancien magistrat de l’opération “Mains propres” et fondateur du parti, lui-même), qui avaient quitté le groupe libéral pour adhérer aux groupe du Parti socialiste européen. Au plan national, Italia dei Valori a cependant passé une alliance électorale avec le Parti démocrate dans la plupart des régions.].

« La gauche radicale (ou, de préférence, la gauche alternative) est maintenant libre (sic) de toute représentation parlementaire, tout en étant présente de manière consistante dans les gouvernements des régions, des provinces et les municipalités. » Pour l’auteur, il existe aussi des « positions radicales, ou tout au moins des positions alternatives intéressantes dans le Parti démocrate ou dans Italia dei Valori ». Ce qui veut dire que la reconstruction de la gauche (sans adjectif) passera pour lui par « un processus compliqué dont les protagonistes seront l’actuelle gauche alternative, les mouvements sociaux, la gauche au sens large, les composantes critiques des partis démocrate et Italia dei Valori, processus qui réunira l’opposition au bloc social qui domine politiquement aujourd’hui. Il suppose la mise au point d’un programme identitaire de la gauche ».

Questions de voies et de moyens

Par quels moyens réaliser un changement social profond ? Le questionnaire suggère entre autres : réforme ou révolution, changement du régime de la propriété, hégémonie culturelle ou contrôle du pouvoir d’État. Le mot transformation est-il utilisé dans les textes et les programmes ?

Pour Ruurik Holm et Laura Tuominen, on ne parle guère de « transformation » en Finlande. Est en cause pour eux le « manque de vision d’un idéal alternatif auquel la transformation devrait conduire ». L’Alliance de gauche recherche plutôt des changements par les voies parlementaire et municipale, ainsi que sur le marché du travail. Le parti est en effet influent dans le mouvement syndical (le taux de syndicalisation est de 70%), notamment dans certaines fédérations. Mais « la plupart des luttes où la gauche est impliquée sont défensives par nature ». Par ailleurs, le parti s’appuie principalement sur « des idées social-démocrates traditionnelles ou sur le socialisme étatique » en matière d’économie et de travail. Ce qui expliquerait qu’on ne lui fait pas confiance pour gouverner. « L’échec du socialisme dirigé d’en haut, les changements culturels profonds de l’ère post-industrielle qui commence, la globalisation de l’économie sont clairement des obstacles pour un compromis fordiste du type des années 1970, mais ni la direction ni le groupe parlementaire du parti ne semblent réaliser totalement ce fait ». Pourtant, des idées nouvelles ont émergé ces dernières années, à commencer par celle du Forum de gauche lui-même, qui est un outil pour « reprendre l’initiative dans le débat politique ». Le parti a créé de nouvelles sections, notamment dans les villes universitaires, avec un certain succès. Il a des soutiens chez les étudiants et les intellectuels, en partie parce qu’il a été le seul à s’opposer à la réforme néo-libérale de l’Université au cours d’un vote décisif au Parlement. « Après un long silence, l’intelligentsia de gauche semble être engagée dans un processus de régénération ».

En Autriche, dans les groupes que Transform ! Autriche classe dans la gauche radicale, on parle de changement de système ou d’abolition du capitalisme plutôt que de transformation. Mais, comme le parti communiste par exemple « pose les questions de distribution, de justice sociale et de luttes féministes, il indique une voie pour abolir le capitalisme pas à pas. » On parle d’anticapitalisme aussi bien que de communisme et de socialisme, « ce dernier étant toujours combiné avec démocratie pour se différencier du concept stalinien de socialisme. » Parallèlement, « l’anticapitalisme doit toujours être associé au féminisme et à l’internationalisme ».

Le parti (communiste) veut « changer l’hégémonie culturelle, en luttant au sein d’alliances sociales et politiques ». Cela concerne le régime de propriété et de distribution aussi bien que des droits fondamentaux comme « un revenu de base et l’éducation pour tous ». On ne parle pas du « couple réforme/révolution en le nommant ainsi mais en fin de compte, il s’agit bien d’une démarche pas à pas vers l’hégémonie ». Ce n’est pas, référence sans doute à la situation politique dans le pays, un « “populisme de gauche” car il faut montrer les contradictions et les conditions injustes et rendre les gens capables de penser par eux-mêmes et de formuler leurs propres demandes ».

Pour Transform ! Autriche, une des conditions pour un changement hégémonique transformateur serait la mobilisation des syndicats « qui sont relativement forts en Autriche mais malheureusement non critiques à l’égard du système », ainsi que celle des mouvements d’étudiants, de femmes, etc. Il y a évidemment ici toutes les caractéristiques d’une organisation sans influence politique significative dans le pays et qui voudrait par conséquent s’appuyer sur les mouvements sociaux (sans, apparemment au moins, la prétention passée des partis communistes à vouloir en être l’avant-garde dirigeante).

Dépasser le capitalisme est le but commun à la gauche alternative italienne. Comment, pourquoi et pour quoi est cependant l’objet de désaccords profonds. La question en débat aujourd’hui est rarement celle du type de société à construire. Tout au plus parle-t-on de socialisme, parfois de socialisme du xxie siècle, par référence aux réflexions en cours en Amérique latine. Pour d’autres composantes de la gauche alternative, le mot de socialisme est totalement étranger voire imprononçable. « Nous nous définissons plus souvent comme anticapitalistes[Il faut noter que c’est le label choisi (Liste anticapitaliste), après la débâcle aux élections législatives de 2008, pour les élections européennes de 2009 pour la coalition qui a réuni Rifondazione Comunista, le Parti des communistes italiens (PdCI) et d’autres groupes de moindre importance. Cette liste n’a obtenu aucun siège, faute d’atteindre la (nouvelle) barre des 4%.], car dire en détails ce qui viendra après le capitalisme est beaucoup plus difficile. Ce qui doit être retenu pour la future société est sujet de débat. La question de la propriété publique n’est pas la place qu’elle a en Amérique latine ou dans les pays anglo-saxons. Les plus dogmatiques se contentent de parler de l’abolir, sans toujours tenir compte des différences avec la situation il y a un siècle. D’autres ne l’évoquent pas du tout. Pourtant, le thème même de la défense des biens communs est très présent dans l’opinion publique, comme le montre le succès de la collecte de signatures pour un référendum contre la privatisation de l’eau. Il faudrait donc une réflexion théorique sur la place de la propriété privée, dans quelles conditions et avec quelles limites ».

Il y a débat aussi entre ceux qui pensent que parler de révolutionnaires et de réformistes n’a plus de sens et qu’il faudrait raisonner en termes de transformation de la société, et ceux qui considèrent que ces catégories doivent être conservées et font partie de l’identité commune. C’est le noyau théorique du conflit qui a éclaté au dernier congrès de Rifondazione comunista et a conduit à une scission, avec notamment la fondation de Sinistra Ecologica Libertà.

En Grèce, « dépasser le capitalisme fait bien entendu partie de l’identité de la gauche radicale ». C’est le cas pour la « majorité des membres de Synapismos et de Syriza ». « Cependant, il ne fait aucun doute que le contenu de la “transformation”, la fréquence à laquelle on s’y réfère et ce qu’elle connote, varient beaucoup ». Dans Synapismos, elle sert de repère « à la majorité de gauche du parti pour se démarquer de la minorité réformiste ». Elle est utilisée aussi pour décrire « la transition humaniste du marxisme (avec sa référence à “l’émancipation”, etc.) alors que le KKE en reste à une sorte de nostalgie des régimes du socialisme existant en Europe centrale et orientale. » En même temps, Synapismos considère comme politiquement non pertinents une référence et un engagement « anti-systémiques » explicites car le débat à ce sujet a divisé Syriza.  En somme, Synapismos, « le parti de la gauche rénovatrice radicale », comme il aime à s’appeler, est certes la principale force de la gauche radicale grecque. Mais, « ses équilibres internes de pouvoir n’ont pas permis de développer une stratégie claire pour la “transformation (sociale)”. Au moins tacitement et symboliquement, il semble être resté dans les limites du réformisme et du gouvernementalisme doux. Cependant, les exceptions à cette stratégie, sont de plus en plus fréquentes, grâce surtout à la participation du parti aux mouvements pour la justice sociale (droits civils, Forums sociaux, etc.).

Parmi les voies et les moyens de la « transformation », la violence reste-t-elle une option possible à gauche de la gauche ? Est-elle dénoncée ou acceptée comme un outil possible pour le processus de transformation. La question paraît être sans objet en Finlande (« La question ne vient presque jamais dans le débat politique ») et en Autriche (« La violence n’est jamais une solution »). En Italie, certains « l’excluent absolument, d’autres non, d’autres encore la considèrent comme un aspect indispensable de la lutte de classes. Bien sûr, la non-violence n’est pas la passivité. Elle ne veut pas dire qu’il n’est pas possible de gifler un policier, mais signifie essentiellement qu’on accepte l’idée que la transformation de la société passe par un processus de conquête du consensus et de lieux stratégiques du pouvoir ». Bien entendu, devant un régime totalitaire et répressif, cela changerait. « En d’autres mots, la non-violence n’est pas un choix religieux-idéologique mais une forte option stratégique, liée aux conditions concrètes ». En Grèce, la question est d’une grande importance pour la transformation sociale, surtout depuis les émeutes de décembre 2008 et les actes terroristes qui ont suivi. Synapismos « dénonce la violence aveugle ». Pour ce parti, la violence est, historiquement, celle des pouvoirs établis et non celle du “mouvement progressiste de gauche” ».


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